LP, 20 ans de lutte et d'engagement en chansons
LP, son nouvel album et son interview pour TribuMove
Longtemps dans l’ombre, les plus grandes stars internationales (Céline Dion, Cher, Rihanna, Mylène Farmer, Christina Aguilera…) ont fait appel à la plume de LP (de son vrai nom Laura Pergolizzi) pour signer leurs tubes. De nature pudique, elle saute ensuite le pas en sortant en 2001 un premier essai. Mais ce n’est qu’en 2016, grâce au tube « Lost On You » et son célèbre sifflement, qu’elle se retrouve du jour au lendemain projetée sous les feux de la rampe. Originaire de Long Island (États-Unis), elle s’affirme comme une véritable figure de proue de la scène pop-rock engagée, mais c’est surtout avec sa grande gueule, sa forte personnalité et son attrait pour les looks inspirés du glam-rock que LP marque aussi les esprits !
Aujourd’hui, elle fête en beauté ses 20 ans de carrière avec la sortie de son 6ème album, « Churches » (15 titres), disponible en C.D. & Digital (depuis le 3 Décembre) & en vinyle (en Février 2022). À travers les 5 singles, dont « The One That You Love » (+ de 35 millions de streams) et le dernier en date « Angels », LP se livre telle qu’elle est, sans filtre, en interprétant avec fougue ses espoirs et ses craintes, mais toujours avec une sincérité désarmante ! Membre de notre grande communauté arc-en-ciel, ses fidèles LGBTQI+ se déplaceront nombreux pour sa grand-messe en live avec LP en prêtresse de cérémonie : 29 Janvier 2022 De Roma (Anvers/Belgique), 13 & 14 Mars Salle Pleyel (Paris).
Es-tu heureuse de pouvoir rechanter sur scène ?
Ça me fait un bien fou ! Je n’ai pas fait de vrai concert pendant environ un an et demi, hormis des lives streams. Et franchement, j’ai détesté. Il n’y a aucun ressenti, ce n’est pas du tout naturel. Je l’ai fait une fois et ensuite j’ai continué car mes fans me le demandaient, mais j’espère que la situation va s’améliorer pour pouvoir continuer la scène, comme j’en ai toujours eu l’habitude.
Comment es-tu passée d’auteure pour d’autres artistes à popstar à plein-temps ?
En fait, j’ai signé un contrat avec une maison de disques pour écrire des chansons en tant qu’auteure et ça a plutôt bien fonctionné. J’ai pu écrire pour Rihanna, Katy Perry, les Backstreet Boys, Céline Dion ou encore Mylène Farmer. J’ai vraiment adoré. Après, je ne les ai pas rencontrés à proprement parler, ils ont simplement enregistré mes chansons.
Est-ce différent d’écrire pour soi et pour les autres ?
Il n’y en a pas en réalité. Lorsque l’on me demandait au début d’écrire pour tel ou tel artiste, j’essayais de me mettre à leur niveau, de m’imaginer à leur place, mais ça ne fonctionnait pas. Finalement, la musique est quelque chose d’universel alors écrire pour moi ou un autre, c’est la même « recette ». Je mets sur papier ce que je ressens, voilà tout !
Quelle est la star pour laquelle tu as écrit et qui t’a rendue la plus fière ?
Je dirais certainement Rihanna. Tout d’abord parce que c’est l’une des plus grandes chanteuses au monde et que je n’aurais jamais pensé pouvoir écrire pour une personne qui fait un genre musical si différent du mien. Et puis, de dire que j’ai écrit une chanson pour Rihanna, c’est assez gratifiant !
As-tu des rêves de collaboration avec d’autres artistes ?
Je n’ai pas de nom qui me vient à l’esprit ou que j’imaginerais vraiment. Je ne cherche pas à écrire pour quelqu’un en particulier. Cependant, d’avoir pu écrire pour d’autres m’a permis de me recentrer sur ce que je voulais faire de ma carrière. Ça m’a tout d’abord conforté dans le fait que je n’ai pas un genre musical défini. Ça apparaissait comme une faiblesse au début de ma carrière, mais j’en ai fait une force et ça m’a libérée dans ma création.
Maintenant que tu es dans la lumière, comment te sens-tu ?
Ça ne me dérange pas et je dirais que ça fait partie du jeu. C’est vrai que je me suis demandé si je pouvais l’assumer pleinement. Je craignais d’être jugée par les autres, mais quand on fait de la musique et que l’on veut en vivre, on aspire à une forme de reconnaissance. Après, que je sois sur scène dans une petite salle ou dans un stade, ça ne change rien pour moi, je me donne toujours autant.
Pourquoi ressens-tu le besoin d’écrire des chansons aussi profondes et personnelles ?
Je pense que certains ont besoin d’être compris par une seule personne et que d’autres, comme moi, veulent l’être par le plus grand nombre. J’aime aussi me dire que si ça m’aide, ça peut aussi en aider d’autres. Mais je ne saurais pas quoi dire de plus. On questionne beaucoup les musiciens sur leurs choix, mais on ne le fait pas pour un peintre par exemple. On ne va jamais les voir en leur demandant pourquoi ils ont choisi tel modèle ou
telle couleur. Ils montrent ce qu’ils font. En revanche, de pouvoir toucher les autres avec ma musique, c’est le plus important. Et de recevoir des messages est la plus belle des récompenses !
Pourquoi le thème de la perte est-il si présent dans ta musique ?
Mes deux parents sont décédés et j’ai aussi perdu quelques amis au cours de ma vie. Je suis consciente que c’est quelque chose qui arrive à tout le monde à un moment donné. Mais quand on l’a vécu, on sait que cette personne ne reviendra jamais et on peut finir par ressentir de la peur lorsque l’on a des proches auxquels on tient. C’est un sentiment universel que je souhaite partager.
Est-ce que tu accordes une importance particulière à ton look très androgyne ?
Je dirais que mon look évolue constamment. Les vêtements sont une projection de notre personnalité. J’aime me dire que lorsque je sors de chez moi, je porte la tenue capable de me définir jusqu’à la fin de ma vie. C’est une prise de position comme une autre, mais j’en ai besoin. Je veux que mes looks soient audacieux, osés et transgressifs !
Quel est ton avis sur toutes les questions actuelles liées au genre ?
Je pense que chacun doit pouvoir s’exprimer et se définir comme bon lui semble. J’avais un peu de mal
avec les définitions autour des pronoms pendant un moment. C’était difficile pour moi de ne pas nommer un garçon ou une fille à travers le pronom « classique ». Mais après avoir parlé avec beaucoup de personnes sur le sujet, je l’accepte et le respecte totalement !
Comment as-tu vécu ton coming-out ?
J’ai fait mon coming-out à 18 ans, mais je n’y repense pas trop rétrospectivement. Ce n’était pas une période facile pour moi. J’essayais de me trouver. Je débutais dans la musique, je venais de faire mon coming-out, je me sentais seule et isolée. Depuis, les choses se sont améliorées. J’ai trouvé des amis dans la communauté et ça m’a énormément aidé.
Es-tu optimiste face aux combats LGBT actuels ?
Absolument. Je n’arrêterai jamais d’y croire et je continuerai à me battre. On assiste quand même de plus en plus à des mouvements fascistes à travers le monde qui veulent supprimer nos droits et nos acquis. On ne doit pas les laisser faire ! De toute façon, il y aura toujours deux opposés pour s’affronter. Le monde est ainsi fait !
Penses-tu qu’un jour on arrivera à unir tout le monde ?
Je ne le pense pas du tout. L’histoire nous l’a montré. On peut espérer que l’utopie soit un jour une réalité, mais ensuite que ferons-nous ? D’autres problèmes viendront. C’est ainsi, c’est ce qui permet à l’art d’exister et aux
inventions de se faire. Dans ce monde, il y a la lumière et le côté sombre. Il faut juste le savoir, le comprendre et composer avec ! Les gens sont-ils plus « tolérants » aujourd’hui ? Le sont-ils vraiment ? Est-ce qu’ils sont vraiment à l’aise à l’idée de voir deux hommes ou deux femmes s’embrasser ? Ou alors ils prétendent l’être car ils n’ont pas le choix ! Je ne sais plus trop quoi penser. Toujours est-il que nous devons toujours rester sur nos gardes.
Tu es donc plutôt pessimiste à cet égard ?
Je dirais que je suis réaliste. En fait, dans la vie, il faut toujours se défendre face à quelqu’un. Lorsque l’on gagne une bataille, il faut pouvoir s’y raccrocher pour affronter les autres, un peu comme au sport, ou lorsque l’on se lance un pari ambitieux. Rien n’est jamais figé, ni prédéfini, alors il faut tenter plusieurs voies. Depuis que je fais du yoga, ça m’a aidée à y voir plus clair et être plus forte. Dans le yoga, on apprend à se sentir bien dans des positions inconfortables. Eh bien la vie c’est pareil, il faut pouvoir se blinder pour surmonter des situations délicates.
Que penses-tu de la tendance qui consiste à trouver cool tout ce qui est gay ?
Oui, j’ai aussi vu ça. J’ai presque envie de me taire sur le sujet. Mais quand même, ça m’interpelle ! À quel moment se définir comme queer est-il devenu une opinion ? On est queer lorsque l’on est gay, bi ou autres, pas quand on « accepte » les queers. Ce n’est pas la même chose. Si les queers sont acceptés plus qu’avant, c’est génial ! Mais s’approprier des combats pour se donner bonne conscience, ça n’a aucun intérêt.
Propos recueillis par Grégory Alleaume
Photographies : Darren Craig (couverture) & Shervin Lainez
Album : « Churches » (PIAS France) en C.D. (15 titres) & Digital (depuis le 3 Décembre)
& en vinyle (en Février 2022).
Extraits : « The One That You Love », « How Low Can You Go », « One Last Time »,
« Goodbye » & « Angels ».
Concerts : 29 Janvier 2022 De Roma (Anvers/Belgique), 13 & 14 Mars Salle Pleyel (Paris).
Sites Internet : www.iamlp.com, www.facebook.com/iamLP & @iamlpofficial (Twitter & Instagram).