5 Guys Chillin' une immersion dans un plan chems !
5 Guys Chillin’ une immersion dans un plan chems !
Il y a un avant et un après « 5 Guys Chillin’ » ! Nudité frontale, simulation de scènes de sexe et propos crus : que l’on soit adepte des plans Chems (NDLR : pratique sexuelle à plusieurs incluant prise de drogues) ou non, la pièce de Peter Darney (créée à Londres en 2015), adaptée et mise en scène par Christophe Garro, ne vous laissera pas insensible ! C’est d’ailleurs le but recherché tant le phénomène prend de l’ampleur au sein de la communauté gay, mais aussi hétéro, qui n’en finit plus de compter ses morts ou ses membres désociabilisés.
À l’heure où les institutions commencent enfin à tirer la sonnette d’alarme, « 5 Guys Chillin’ » au Théâtre Clavel (mardis & mercredis 21H30 jusqu’au 26 Janvier) participe avec talent (mention spéciale à l’engagement sincère et la performance des 5 comédiens) à une prise de conscience aussi nécessaire que vitale !
CHRISTOPHE GARRO
« Je revendique l’activisme de mon travail d’auteur ! »
D’où est venue votre envie de vous impliquer personnellement sur ce projet ?
Je faisais des recherches pour mon prochain roman « Le Chant Des Moineaux Sous La Neige », une histoire d’amour qui traite entre autres du Chemsex, et je suis tombé sur la pièce de Peter. Je me suis dit : c’est un OVNI théâtral ! L’envie de m’y atteler est venue tout de suite, même si le sujet me faisait peur. J’ai été personnellement confronté au Chemsex : l’addiction aux produits et l’effet de craving (NDLR : l’envie irrépressible de consommer une drogue) m’ont alarmé. J’ai aussi perdu un ami très proche.
La nudité est une composante essentielle de la pièce. Comment avez-vous jaugé l’équilibre entre le risque de voyeurisme et l’objectif de réalisme ?
C’est peut-être ce qui a été le plus difficile. La ligne est étroite et dangereuse. Dans la version anglaise, les comédiens se touchaient moins, s’embrassaient moins et ne se dénudaient pas complètement. Je voulais un réalisme total, mais il ne fallait pas tomber dans une sorte d’exhibitionnisme. Je hais les œuvres, autant théâtrales que cinématographiques, qui montrent du nu sans nécessité. Il s’agit-là d’une partouze, je n’allais pas demander aux garçons de juste effleurer leurs bouches !
La pièce fait l’effet d’un électrochoc ! Quelles sont les réactions à la sortie ?
Certains spectateurs pleurent, d’autres restent sans voix. Ils ont besoin de digérer ce qu’ils viennent de vivre pendant une heure dix. Je me souviens aussi d’un garçon qui est venu dans mes bras, que j’ai dû réconforter pendant de longues minutes, et qui a tout arrêté depuis. Ces réactions donnent du sens à ce que je fais. C’était le cas de mes précédentes créations au théâtre, c’est le cas de mon roman, c’est en tout cas une sorte d’activisme que je revendique et qui me stimule artistiquement.
VINCENT VILAIN (Julien : l’hôte)
L’hôte accueille ses invités et le public. Comment entre-t-on dans un rôle aussi engageant pour l’acteur lui-même ?
Mon personnage a l’habitude d’organiser des soirées Chemsex chez lui, il fallait donc que je sois extrêmement à l’aise dès le début de la pièce. Avec le metteur en scène, nous avons beaucoup parlé de nos personnages respectifs avant de travailler le texte. Julien aime organiser ces soirées chez lui, sans doute cela lui donne-t-il l’impression de mieux gérer et de se rassurer. Je me mets donc à sa place mentalement, un peu comme si j’accueillais des invités pour une banale réunion Tupperware ! (Rires).
JONATHAN LOUIS (Mehdi : l’homme marié d’origine Maghrébine)
Tu abordes la question du « placard » et de la religion. Comment as-tu réussi à insuffler ce conflit intérieur à ton personnage ?
Le personnage de Mehdi me parle forcément puisque j’ai grandi avec la religion musulmane au sein d’une famille d’accueil marocaine. Ce conflit intérieur fait donc partie de moi ! C’est d’ailleurs ainsi que je puise mon inspiration et que je choisis mes projets. M’engager et défendre une cause résonne en moi. « 5 Guys Chillin’ » aborde des thématiques comme la drogue, le libertinage, les MST, la PrEP… de façon coup-de-poing ! Je veux aussi transmettre ce message aux croyants que j’invite à venir nous voir car il n’y a aucune offense : « Venez, comprenez vos enfants, acceptez-les, séchez leurs larmes car l’amour est plus fort que tout ! ».
LIONEL ROUSSELOT (Benoit : le mec du Sud)
Quelle relation entretiens-tu avec Benoit, le personnage paradoxal (festif et terriblement égoïste vis-à-vis de son conjoint Raph’), que tu joues ?
J’entretiens d’excellents rapports avec mon personnage, nous cohabitons très bien ensemble dans le même corps ! J’ai toujours aimé jouer des personnages cruels, violents, des vrais méchants… Pour moi, jouer c’est vivre des vies différentes de ce que l’on vit tous les jours. D’ailleurs, je travaille toujours mes rôles de manière très intuitive. Une fois le personnage en moi, je le peaufine avec le metteur en scène.
FABIEN GAERTNER (Raph’ : le compagnon de Benoit)
Ton personnage est un peu la clé revendicative de la pièce : on sent chez lui une tristesse et une solitude abyssale. Est-il simple de sortir de ce rôle ?
Je ne crois pas que l’on sorte totalement de ce rôle ! Depuis la découverte de la pièce, j’ai la sensation de côtoyer Raph’ comme un ami. Ce qui le rend triste est justement sa candeur et son innocence. C’est avant tout une belle âme qui a envie de s’amuser et de ressentir, au contact des autres, de la tendresse et de l’amour. La finalité est tragique car cette démarche innocente ne peut que le mener à sa perte, à l’instar du garçon qui a inspiré le personnage de Raph’, décédé aujourd’hui. Ce personnage fait écho en chacun de nous et je le ressens d’une manière très forte auprès du public.
BENJAMIN LOUSSE (Mark : le premier invité)
Ton personnage dégage une énergie incroyable. Comment as-tu travaillé ce rôle exigeant ?
Avant les répétitions, je ne savais pas trop quoi penser de ce personnage. Très vite, je me suis fixé comme objectif de m’effacer totalement afin de n’être plus que le personnage et ainsi pouvoir me montrer nu, au sens propre comme au figuré. Depuis que les représentations ont commencé, je n’ai plus aucun problème avec l’image que je pourrais renvoyer. J’essaye au mieux de servir le texte et la cause qu’il défend. Quant à l’énergie et la joie de vivre de Mark, j’avoue y avoir mis beaucoup de ma propre personnalité…
Propos recueillis par Julien M.
Photographies : D.R.
« 5 Guys Chillin’ » jusqu’au 26 Janvier (mardis & mercredis 21H30) au Théâtre Clavel – 3, rue Clavel – Paris 19ème.
Tarifs : 16,50 à 22 Euros.
Facebook : www.facebook.com/5guyschillin.